Début février 2005, à La Locomotive, salle du XVIIIe arrondissement de Paris. La nuit est déjà bien avancée quand Vitalic, imperturbable, tout de noir vêtu et droit derrière ses machines, termine son live, sous les hurlements de la foule en nage massée près de la scène. L’ovation durera vingt minutes. Derrière les platines, Chloé et Agoria ? deux DJ pourtant aguerris, qui doivent enchaîner en duel ? rivalisent de politesse pour savoir à qui incombera la tâche ingrate de poser le premier disque vinyle sur les platines. On les comprend.
Sauvagerie techno à haute teneur en bpm, le live de Vitalic, qui enchevêtre perversement boucles addictives et quelques-uns de ses tubes de l’accabit de "La Rock 01" (sur lequel Nirvana semble entrer en collision avec Daft Punk ), reste l’un des plus implacables auxquels on ait assisté depuis belle lurette. Une expérience totale et presque dictatoriale, qui emporte tout sur son passage, laissant les corps exténués et insatiables. Le phénomène se répète presque à chacun des passages de l’homme en noir, qui suscite des passions délirantes. Il suffit, pour s’en rendre compte, de surfer sur l’un des nombreux sites de fans qui lui sont consacrés (le plus fourni est vitalic.ouquoi.org). Vitalic s’appelle Pascal Arbez et est originaire de la capitale mondiale de la moutarde. C’est à Dijon également que Vitalic se prend sa grande claque électronique, en 1995, lors d’un concert de Daft Punk. Petit à petit, il se constitue un studio et commence, dès 1998, à produire ses premiers morceaux, sous le nom de Dima. De la techno assez hardcore, qui lui attirera la reconnaissance de la scène historique française (Manu Le Malin, Garnier), mais dans laquelle il se sent vite à l’étroit. Sans ordinateur, armé de vieux synthés et séquenceurs, Vitalic s’attelle à ce qui reste encore aujourd’hui un classique techno : Poney EP. Une maquette, envoyée à DJ Hell, boss du label Gigolo, sur les conseils de son pote grenoblois The Hacker, mettra le feu aux poudres. Propulsé par le fabuleux "La Rock 01" (une techno mutante au riff metal imparable que les 2 Many DJ’s incorporeront dans leur mix As Heard on Radio Soulwax, Pt. 2), ce manifeste furieux s’écoule à 30 000 exemplaires dans le monde.
Sans concessions, longuement mûri, se souciant peu des modes ou du qu’en-dira-t-on, OK Cowboy ? qui ressemble ainsi singulièrement à son géniteur ? devrait faire date. Loin d’être une simple compilation de morceaux à destination des dance-floors, le disque ? complexe et foisonnant ? révèle un univers étrange, aux motifs récurrents (les fêtes foraines, les poneys…), dans lequel la plus pure sauvagerie techno (la série des "Poney", "La Rock 01" mais aussi le stratosphérique "My Friend Dario", premier single extrait de l’album) alterne avec des plages plus atmosphériques (le très beau et rétro "The Past") ou même rock’n’roll ("Wooo").

Géraldine SarratiaLes Inrockuptibles